L’Eglise en Croatie (français)
Aperçu Historique.
Un bref apercu historique va nous aider à mieux comprendre la situation de l’Église en Croatie.
La région de l’actuelle Croatie a abrité un grand nombre d’ermites dès les premiers siècles après Jésus-Christ, en particulier dans les îles Adriatiques, et elle abrité une communauté de moines cénobites à partir du 4ème siècle. Le moine le plus connu de ces régions doit être saint Jérome. Il est né en Dalmatie, dans la ville de Stridon, mais l’emplacement précis de Stridon n’est pas tout à fait clair. Les Croates furent les premiers parmi les peuples slaves à adopter le Christianisme. Leur premier contact avec le Saint Siège remonte à 641, lorsqu’ils reçurent l’abbé Martin, envoyé pontifical, venu pour leur racheter les esclaves chrétiens et les reliques des martyrs. L’information concernant la christianisation des Croates est plutôt pauvre, mais on sait que cela se passa de manière pacifique et libre, entre le 8ème et le début du 9ème siècle. L’empereur byzantin Constantin Porphyrogenet atteste que son prédécesseur sur le trône de Byzance, l’empereur Héraclius (610-641), sous le règne duquel les Croates avaient déjà atteint la Mer Adriatique, « envoya et fit venir de Rome les prêtres dont il fit l’archevêque, l’évêque, les prêtres et les diacres, et christianisa les Croates ».
Au 9ème siècle, les Croates faisaient déjà partie de la grande communauté des nations chrétiennes. On pouvait vérifier le fait que le christianisme était déjà profondément enraciné dans le peuple aux églises et monastères construits durant le 9ème siècle par les chefs Croates Mislav et Trpimir. En l’année 879, le chef Croate Branimir écrivit au pape Jean VIII, lui assurant fidélité et obéissance et le pape répondit qu’il avait célébré une messe sur la tombe de saint Pierre et invoqué la bénédiction de Dieu sur le pays de Branimir et sur son peuple. La précieuse correspondance entre le pape Jean X (914-928) et le roi croate Tomislav à l’occasion du premier synode à Split (925) a également été conservée. Le roi croate Zvonimir fut couronné par l’abbé Gebizon, légat du pape Grégoire VII, en 1075. A cette époque de schisme entre l’Église orientale et l’Église occidentale, Zvonimir voue fidélité au pape, entreprend une réforme de l’Église dans son royaume, protège les veuves et veille à la justice, « de sorte que les forts n’oppriment pas les faibles ».
Parmi les premiers missionnaires actifs en Croatie, il y eut des moines d’Aquileia. Ils répandirent la dévotion à des saints francs et portaient des noms germaniques, ce qui permet de conclure que c’étaient des moines francs.
A l’époque de la royauté croate, sous les souverains nationaux, les Bénédictins furent particulièrement actifs, laissant une empreinte indélébile dans le domaine de la vie ecclésiale et culturelle de leur temps. Dans la Croatie du 11ème siècle, il y avait à peu près 50 monastères bénédictins. Tous les événements de quelque importance dans l’état croate, jusqu’au 12ème siècle, étaient d’une façon ou d’une autre en lien avec des moines bénédictins. A partir du 13ème siècle, les ordres mendiants, en premier les Franciscains mais aussi les Dominicains, exercèrent une influence spéciale sur la vie religieuse des Croates. Après cela, la formation religieuse et culturelle des Croates fut fortement influencée par les Jésuites. Les écrivains ecclésiastiques du nord de la Croatie et de Dubrovnik en particulier, qui était un centre libre de culture croate, ont largement contribué à la standardisation et à l’expansion de la langue croate.
A partir du 12ème siècle, les Croates ont vécu dans divers états avec d’autres nations: avec les Hongrois à partir du 12ème siècle, avec Venise pour la Croatie du sud à partir du 14ème siècle, avec les catholiques de Bosnie et Herzégovine sous la loi turque. La France exerça sa domination pendant une courte période, puis l’Autriche pendant une période plus longue.
Après la première guerre mondiale fut établi le premier état de Yougoslavie, dans lequel le peuple croate et l’Église catholique furent discriminés. Ceci mena à un grand nombre de victimes innocentes durant la deuxième guerre mondiale. La Yougoslavie communiste d’après-guerre s’acharna particulièrement sur l’Église catholique, qui se trouva, par la nationalisation, privée de base matérielle pour son activité, et les membres de la hiérarchie de l’Église, guidés par l’archevêque de Zagreb Alojzije Stepinac, furent exposés à une persécution ouverte. Évêques, prêtres et fidèles furent soumis à toutes sortes de difficultés et pressions, la catéchèse fut expulsée des écoles, les organisations laïques furent dissoutes, on proclama que la foi était affaire privée pour chacun et la société fut exposée à une athéisation systématique.
Durant l’agression de la Grande Serbie contre la Croatie (1991-1995), l’Église catholique endura de rudes persécutions. Certains prêtres et moines furent tués, nombre d’entre eux furent capturés. Au début de 1992, parmi les 324 284 personnes déplacées, il y avait également 226 prêtres et moines en exil. Durant cette dernière guerre, le nombre d’églises qui furent soit détruites, soit endommagées, atteignit 1426.
Dans la république de Croatie, l’Église catholique a obtenu d’être libre, avec une situation légale bien définie d’autonomie dans son domaine. Elle a obtenu qu’il y ait des cours de catéchèse dans les écoles d’état primaires et secondaires pour les élèves qui le choisiraient, et elle peut elle-même établir des écoles catholiques. Elle a également obtenu la permission d’exercer la pastorale pour les catholiques dans les forces armées et dans la police.
D’après le recensement de 2001, la population de Croatie comptait 4 437 460 habitants, dont 88 % se déclaraient catholique, 4,42 % orthodoxe, 1,28 % musulman, tandis que les membres d’autres religions ne dépassaient pas 1 % et que 5,21 % déclaraient n’appartenir à aucune religion.
Depuis le 9ème siècle, la Croatie connaissait un phénomène unique en son genre par rapport à l’ensemble du monde catholique romain : une liturgie romaine catholique dans un langage national avec une écriture spéciale, glagolitique. Malgré un certain nombre d’opinions divergentes et de protestations, le pape Innocent IV accorda à Filip, l’évêque de Senj, la permission d’utiliser la langue slave et l’écriture glagolitique dans l’Église. Dès lors, les Croates furent le seul peuple, jusqu’à Vatican II, à n’être pas obligé d’utiliser exclusivement le latin comme langue de la liturgie.
L’Église croate aujourd’hui.
Aujourd’hui, l’Église catholique dans le territoire de la République de Croatie est répartie territorialement en 15 diocèses qui se regroupent dans quatre églises métropolitaines : celle de Zagreb, de Split et Makarska, de Dakovo et Osjiek et de Rijeka, un archidiocèse indépendant – celui de Zadar, et l’ordinaire aux armées.
Les moines. La vie monastique en Croatie apparut dès que le christianisme arriva chez les Croates. Les Bénédictins furent les premiers et s’activèrent surtout le long de la côte croate et dans les îles, durant les règnes des princes et des rois nationaux. La vie culturelle et spirituelle de Croatie leur doit beaucoup.
Le plus grand nombre de moines en Croatie est de l’ordre franciscain. Viennent ensuite les Jésuites, les Dominicains et les Carmélites et, parmi les « nouveaux instituts », les Salésiens. Les Franciscains ont établi leurs monastères à travers toute la Croatie depuis l’époque du vivant même de saint François (début du 13ème siècle). La famille franciscaine en Croatie se présente en quatre branches : les Frères Mineurs (OFM), les Conventuels, les Capucins et le Tiers Ordre Régulier (ou frères Franciscains). Les Frères Mineurs ont trois provinces en Croatie, avec leurs centres à Zagreb (15 monastères), Split (13 monastères), et Zadar (5 monastères). Les Franciscains Conventuels n’ont qu’une seule province en Croatie, dont le siège est à Zagreb, avec 12 monastères disséminés dans le pays. Les Franciscains Capucins ont une province avec 10 monastères. Le Tiers Ordre Régulier également une province, dont le siège est à Zagreb, et 14 monastères.
Les Jésuites aussi se sont établis en Croatie depuis l’époque du vivant même de saint Ignace. En 1552, Dubrovnik tenta de les faire venir et y réussit dès 1559, année où ils arrivèrent également à Zadar. On leur doit d’avoir ouvert beaucoup d’écoles et d’avoir été actifs dans la publication, ainsi que d’avoir institué des congrégations populaires et des fraternités en Croatie. Depuis 1909, il y a une Mission Croate de la société de Jésus, et depuis 1963, une province jésuite indépendante. Les Jésuites en Croatie vivent dans 12 maisons.
La province carmélite de Croatie fut établie en 1969. Elle compte plusieurs monastères.
Les Salésiens arrivèrent en Croatie en 1922. En 1972, ils formèrent la province indépendante de Don Bosco, avec son siège à Zagreb. Ils ont des activités pastorales et sont très actifs auprès des jeunes.
Moniales. En Croatie, il y a quatre ordres de moniales contemplatives : des Bénédictines (elles furent les premières moniales sur le territoire de Croatie et vivent aujourd’hui dans 8 monastères), des Carmélites (trois monastères), des Clarisses (trois monastères) et un monastère de l’ordre de la Visitation.
La Croatie compte aussi 23 communautés ou congrégations religieuses féminines qui font du travail pastoral. Les plus nombreuses sont les sœurs de la Charité, avec trois provinces. Viennent ensuite les sœurs des écoles de Saint François, les sœurs de la Sainte Croix, les Servantes de l’Enfant Jésus, etc.
Un regard vers l’avenir.
La chute des régimes totalitaires, voici bientôt 20 ans, a apporté à un grand nombre de pays de l’Europe de l’Est et du Sud-Est une certaine liberté dans l’activité publique. Le résultat fut un retour vers l’Église, même par un certain nombre de ceux qui l’avaient persécutée. Vinrent les temps où l’on n’avait plus à souffrir du fait d’appartenir à l’Église, et même – au contraire – où l’on en tirait profit. La Croatie vécut un changement semblable à celui qui avait eu lieu au 4ème siècle, après l’Édit de Milan : le nombre de pratiquants augmenta considérablement, mais pas tant le nombre de ceux qui vivaient selon l’Évangile. Durant les deux dernières décennies, l’Église de Croatie a connu le retour à la liberté de ses activités pastorales dans plusieurs domaines – éducation, économie, armée et police – mais sans constater la croissance en une vie plus authentiquement chrétienne qui aurait dû aller de pair. Dans certains domaines, on a même constaté que des institutions ecclésiales et des communautés religieuses n’ont pas réussi à s’adapter. Par exemple, on construit des équipements monastiques de plus en plus vastes, mais sans avoir de claire vision de ce à quoi ils devront servir ; on construit de tout nouveaux monastères, alors que les communautés monastiques vieillissent et se rétrécissent.
Nous savons comment les moines du 4ème siècle ont répondu à la vie incohérente de beaucoup de chrétiens : ils ont tenté, par leur propre vie, d’être plus cohérents, plus en harmonie avec l’Évangile, afin d’être un signe le plus clair possible et de montrer que Dieu doit se tenir au centre de notre vie. En Croatie aussi, telle devrait être la mission ou la tâche des communautés monastiques et autres communautés religieuses, mais aussi la mission de l’ensemble de l’Église. La plus grande liberté obtenue par l’Église requiert aussi une plus grande maturité de la part des chrétiens – c’est-à-dire une plus grande responsabilité devant Dieu et devant les hommes. Les communautés monastiques devraient montrer plus clairement qu’elles cherchent vraiment Dieu, qu’elles veulent vraiment mettre Dieu au centre et le glorifier en toutes choses.
Prior Jozo Benedictine Monastery Ćokovac, Croatia September, 2009
Traduction en français par sr M Raphaël (Htb)